En période d’exploitation, les accélérateurs représentent plus de 90 % de la consommation d’énergie du CERN. Ces puissants instruments de recherche, au service d’une communauté scientifique mondiale, rendent possible un programme scientifique incomparable. Le Laboratoire met tout en œuvre pour les faire fonctionner avec le moins d’énergie possible, son principal objectif immédiat étant de limiter à 5 % par rapport à 2018 l’augmentation de la consommation d’énergie d’ici à la fin de la troisième période d’exploitation, malgré une énergie et une intensité de faisceau plus élevées. La date initialement fixée pour atteindre cet objectif (2024) a dû être reportée, conformément au nouveau calendrier des accélérateurs, prévoyant la fin de la troisième période d’exploitation en 2025.
MONTÉE EN PUISSANCE POUR LA TROISIÈME PÉRIODE D’EXPLOITATION
Pour alimenter ses accélérateurs, détecteurs et infrastructures d’exception, le CERN a principalement besoin d’électricité, qui représente environ 95 % de sa consommation d’énergie. Normalement, l’électricité est achetée entièrement à la France, où le bouquet énergétique est à 90 % à faible émission de carbone (2022). Les besoins en énergie du CERN dépendent des cycles d’exploitation des accélérateurs ; la consommation peut atteindre 1 250 GWh/an pendant l’exploitation avec faisceau, le Grand collisionneur de hadrons (LHC) représentant 55 % de la consommation totale. À la suite de son deuxième long arrêt, le LHC a redémarré progressivement en 2021, et la troisième période d’exploitation a été officiellement lancée en juillet 2022. En 2021 et 2022, le CERN a consommé respectivement 995 GWh et 1 215 GWh d’électricité.
Le CERN consomme aussi du gaz naturel pour le chauffage, du carburant pour ses véhicules et du diesel pour ses générateurs de secours. Il utilise également de l’azote liquide industriel pour le refroidissement ainsi que de d’énergie photovoltaïque produite sur site. En 2021 et 2022, le CERN a consommé respectivement 67 GWh (2 407 TJ) et 51 GWh (184 TJ) de combustibles fossiles. L’achat d’énergie représente environ 5 % du budget annuel du CERN en période d’exploitation, et un chiffre inférieur pendant les longs arrêts. Ce pourcentage devrait augmenter sensiblement à compter de 2023, en raison de la hausse générale des coûts de l’énergie.
Le CERN s’efforce de fournir un maximum de données aux expériences. Dans un collisionneur, la quantité de données produites est en rapport avec un paramètre appelé luminosité. Une luminosité plus élevée signifie plus de données et des possibilités accrues de nouvelles découvertes, mais peut aussi s’accompagner d’une plus grande consommation d’électricité.
C’est pourquoi le CERN veut améliorer l’efficacité énergétique de ses installations du point de vue de la luminosité fournie par unité d’énergie consommée. Ainsi, l’efficacité du LHC a augmenté d’un facteur trois entre le début de la première période d’exploitation et la fin de la deuxième, et devrait être multipliée par quatre à l’ère du LHC à haute luminosité (HL-LHC).
Le graphique de l'électro-intensivité du LHC détaille la quantité d’électricité utilisée pour exploiter le LHC par unité de luminosité produite. On voit que la quantité d’énergie nécessaire pour produire une certaine quantité de données (et donc de résultats scientifiques) diminue avec le temps. Pendant l’année suivant chaque long arrêt (2022 et 2029), alors que les machines sont remises en marche et montent progressivement en puissance, la luminosité produite n’est pas à son maximum.
STRATÉGIE ÉNERGÉTIQUE DU CERN
Les trois principes fondamentaux de la stratégie énergétique du CERN, adoptée par le Comité pour la gestion de l’énergie (EMP), créé en 2015, sont les suivants : consommer moins, améliorer l’efficacité, et récupérer l’énergie fatale.
L’EMP a engagé d’importants efforts pour réduire la consommation d’électricité, par l’optimisation et par des actions ciblées, ce qui a permis d’économiser près de 100 GWh/an depuis 2010. Le processus consistant à définir et fixer les objectifs à long terme se poursuit, et ceux-ci seront exposés dans de futurs rapports.
En 2022, le CERN a lancé le processus de certification ISO 50001 pour la gestion de l’énergie (voir Pour aller plus loin). Dans ce contexte, en octobre 2022, l’Organisation a publié une politique énergétique visant à une amélioration continue de sa performance énergétique ; il s’agit de limiter le plus possible l’énergie nécessaire à ses activités, d’améliorer l’efficacité énergétique et de récupérer l’énergie fatale. La Direction a mené des actions pour renforcer les cadres existants en matière de gouvernance de l’énergie, conformément aux exigences de la norme ISO 50001. Un coordonnateur énergie a été nommé à temps plein, et l’EMP a été élargi afin d’englober toutes les activités du CERN au-delà du complexe d’accélérateurs.
DIVERSIFICATION DE L’ÉNERGIE ET RÉCUPÉRATION DE LA CHALEUR
Le CERN s’efforce de diversifier son bouquet énergétique et, à cette fin, d’intégrer davantage de sources d’énergie renouvelables. Plusieurs solutions sont examinées, notamment des contrats d’achat d’électricité (PPA), accords contractuels entre fournisseurs et acheteurs d’énergie. Des études et négociations avec des fournisseurs potentiels ont été entamées afin d’examiner différentes solutions aux besoins à long terme de l’Organisation, notamment dans le domaine de l’énergie photovoltaïque. Localement, des panneaux solaires installés sur le nouveau bâtiment du Portail de la science, qui doit ouvrir ses portes en 2023, injecteront l’énergie photovoltaïque non utilisée dans le réseau électrique du CERN.
Conformément à l’objectif de récupération de l’énergie fatale, les équipements installés au point 8 du LHC pour collecter la chaleur des installations du CERN afin de chauffer une zone résidentielle à Ferney-Voltaire sont prêts à être raccordés au réseau. Deux autres projets approuvés pendant la période couverte par ce rapport visent à récupérer la chaleur résiduelle d’activités essentielles du CERN, telles que le traitement de données, le refroidissement et l’exploitation du LHC, afin de la réutiliser sur les sites de Meyrin et de Prévessin. Les travaux nécessaires devraient s’achever en 2026-2027.
CALCUL ET INFRASTRUCTURE INFORMATIQUE
Le CERN produit principalement des données, issues de collisions de faisceaux de particules, qui sont enregistrées par les expériences LHC. Ces données sont ensuite analysées sur la WLCG, une des plus grandes infrastructures de calcul du monde, gérée et exploitée par une collaboration internationale regroupant le CERN, les expériences LHC et les centres de calcul participants. Les statistiques relatives à la consommation d’énergie de la WLCG incluses dans ce rapport concernent les installations détenues ou exploitées par le CERN.
D’ici au démarrage du HL-LHC, en 2029, la capacité de calcul totale requise par les expériences devrait avoir augmenté d’un facteur dix. Pour répondre à ces besoins accrus, un nouveau centre de données, dont la construction a débuté en avril 2022 à Prévessin, fournira des ressources informatiques à hauteur d’une puissance électrique maximale totale de 12 mégawatts, en trois phases. L’objectif est de faire en sorte que l’indicateur d’efficacité énergétique, ou PUE, utilisé pour mesurer l’efficacité énergétique d’un centre de données, soit d’environ 1,1. À titre comparatif, le PUE moyen des grands centres de données est d’environ 1,5, les centres de données récents atteignant généralement un PUE compris entre 1,2 et 1,4 (1,0 étant la valeur idéale). Le PUE du centre de données de Meyrin est d’environ 1,5. L’efficacité énergétique est un aspect essentiel de ce projet, qui prévoit un système de récupération de la chaleur pour chauffer l’ensemble des 73 bâtiments du site de Prévessin.
En outre, dans le but d’économiser des ressources et de l’énergie à l’ère du HL-LHC, des efforts sont déployés pour moderniser le code, afin de le faire fonctionner plus efficacement sur le matériel le plus récent, et pour améliorer la gestion des données. Adopter des approches innovantes pour les tâches informatiques-clés, en s’appuyant sur l’apprentissage automatique et d’autres technologies connexes, contribue également à réduire la quantité de ressources informatiques nécessaires et joue un rôle essentiel pour limiter l’augmentation de la consommation d’énergie.
COLLABORATION AVEC LES ÉTATS HÔTES
Afin d’optimiser son approche de la gestion de l’énergie, le CERN collabore étroitement avec ses partenaires, notamment Électricité de France (EDF), son principal fournisseur d’électricité, et ses États hôtes, dans le cadre du Comité tripartite pour l’environnement (CTE), créé en 2017. En 2022, le CERN a entretenu un dialogue avec EDF, les autorités locales et les États membres et a réduit sa consommation d’énergie au titre de sa responsabilité sociale. Des mesures concrètes ont été mises en œuvre pour réaliser des économies d’énergie et de coûts, notamment en faisant commencer l’arrêt technique hivernal 2022 deux semaines plus tôt, ce qui a permis d’économiser environ 35 GWh. En 2023, l’exploitation des accélérateurs sera réduite de 20 %, et l’arrêt technique hivernal sera prolongé, passant à 19 semaines, ce qui permettra d’économiser environ 70 GWh.
ALIMENTER LES SITES EN ÉNERGIE
L’énergie dont l’Organisation a besoin pour alimenter ses bâtiments et son infrastructure générale représente environ 5 % de sa consommation totale. Bien qu’il ne s’agisse que d’une petite part de la consommation globale, les efforts mis en œuvre pour économiser de l’énergie à l’échelle du domaine peuvent faire une grande différence. Cela passe par le déploiement de diverses mesures, dont un programme global de renforcement des systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation, qui est actualisé chaque année et couvre une période de cinq ans. En 2022, le CERN a lancé une stratégie visant à économiser l’énergie sur ses différents sites. Celle-ci a consisté à retarder la mise en route du chauffage dans les bâtiments, à réduire la température des chaudières, à remplacer les lampes halogènes par des LED et à éteindre les éclairages extérieurs entre 23 h et 5 h du matin.
POUR ALLER PLUS LOIN
Nicolas Bellegarde est le coordonnateur Énergie du CERN. Il est responsable de la demande de certification ISO 50001 déposée par l’Organisation.
— En quoi consiste cette certification ?
NB : Cette norme internationale de référence définit comment améliorer sa performance énergétique et permet aux organisations d’intégrer la gestion de l’énergie dans leur plan d’action pour une meilleure gestion de l’environnement. En 2022, le CERN a lancé le processus de certification ISO 50001 pour l’ensemble de ses sites, activités et profils énergétiques. En juin 2022, dans le cadre du processus d’amélioration continue mis en œuvre, l’Organisation a présenté aux autorités françaises son plan de performance énergétique pour 2022-2026 et élaboré un système complet de gestion de l’énergie. L’audit préalable à la certification ISO 50001 a été réalisé fin 2022 par l’Association française de normalisation (AFNOR).
— Quelles sont les prochaines étapes ?
NB : Une fois la certification obtenue, des audits ont lieu chaque année pour vérifier la conformité et l’amélioration continue de la performance énergétique grâce à la définition, à la surveillance et à la mise à jour des orientations, des objectifs et des indicateurs sur la base d’un scénario de référence et de mesures concrètes pour atteindre ces objectifs. Ce fonctionnement repose sur un système de gestion de l’énergie conforme à la norme ISO 50001. Il suppose également la formation et la sensibilisation des membres de la communauté du CERN ainsi qu’un suivi des tendances, de l’évolution réglementaire et des bonnes pratiques en matière de performance énergétique.
Encore plus
Les questions relatives au présent rapport peuvent être adressées à : environment.report@cern.ch.